Rattle and Hum est le sixième album du groupe de rock irlandais U2, publié le 10 octobre 1988 sous le label
Island Records. Il est produit par l'américain Jimmy Iovine et mixé par Shelly Yakus, Rob Jacobs, David Tickle, Don Smith et
Thom Panunzio. C'est aussi le titre d'un film documentaire sur le groupe réalisé par Phil Joanou, sorti le 27 octobre 1988
en Irlande, le 4 novembre 1988 aux États-Unis et le 23 novembre 1988 en France.
Le disque aux accents roots rock est composé de 17 chansons. Il mêle neuf nouveaux titres enregistrés en studio ainsi que des
reprises et morceaux live d'artistes divers ou du propre répertoire de U2 récupérés du Joshua Tree Tour. Cet album a été travaillé
aux États-Unis et en Irlande : principalement aux Studio Sun à Memphis mais aussi aux Studios A&M et à Ocean Way à Los Angeles,
au Point Depot, à Danesmoat et à STS Studio à Dublin.
Rattle and Hum a été froidement accueilli par la critique, notamment américaine, qui déplore son côté fourre-tout.
Le disque a néanmoins été un grand succès commercial avec environ 15 millions d'exemplaires vendus à ce jour. Les quatre
singles issus de cet album (Desire, Angel of Harlem, When Love Comes to Town, All I Want Is You) ont été bien classés dans
les charts du monde entier
. Desire est même le premier single de l'histoire de U2 à se classer no 1 au Royaume-Uni.
Le Lovetown Tour, spectacle promotionnel de Rattle and Hum s'est déroulé en compagnie de la légende du blues B. B. King,
du 21 septembre 1989 à Perth en Australie au 10 janvier 1990 à Rotterdam aux Pays-Bas.
Le film, quant à lui, a été laminé par la presse et boudé par le public et a été qualifié de désastre. Néanmoins,
pour ses 30 ans, U2 a organisé une projection de Rattle and Hum au Savoy Cinéma à Dublin le 26 octobre 2018.
Contexte
En 1987, U2 connaît un triomphe critique et commercial avec The Joshua Tree no 1 des deux côtés de l'Atlantique,
l'album se vend à 12 millions d'exemplaires dans le monde au cours de l'année. La tournée qui s’ensuit, intitulée The Joshua Tree Tour
est aussi une réussite, notamment aux États-Unis où l’aura de Bono qui s’impose en leader charismatique, fait des ravages sur scène.
Trois millions de spectateurs verront U2 en concert cette année-là. Pour couronner le tout, le groupe reçoit le 2 mars 1988 à New York
deux Grammy Awards dont celui du meilleur disque de l'année avec The Joshua Tree.
En parallèle, le manager de U2 Paul McGuinness propose au groupe de tourner un documentaire original sur leur tournée américaine.
Ainsi, au lieu de sortir un film de concert traditionnel associé à un double-album live, U2 et Paul McGuinness veulent réaliser
l'ultime film rock, l'équivalent de Dont Look Back, le long-métrage qui a si bien servi à façonner l'image de Bob Dylan.
« Nous aurions pu nous faire beaucoup d'argent pour très peu de travail. C'est ce que font les grands groupes de rock.
Ils se remplissent les poches et ils se tirent » déclare Bono.
Analyse
RATTLE AND HUM est l'expression del'envie de U2 de gagner sur les deux tableaux. Un double album tentaculaire qui
incorpore des morceaux live, des reprises, des collaborations, des extraits de musique d'autres personnes et un passage d'une
interview enregistrée, le disque est un effort évident pour effacer les ponts conceptuels et réduire les attentes après le succès
multiplatine de The Joshua Tree.
Mais l'ambition a toujours été le cadeau et la malédiction de U2, et le groupe ne se sent clairement pas à l'aise avec ses
vues baissées. Par conséquent, si au milieu du chaos plutôt étudié ici, vous vous sentez poussé à établir des comparaisons
avec des chefs-d'œuvre de l'excès comme le White Album des Beatles ou l' Exile on Main Street des Rolling Stones ,
vous pouvez être sûr que Bono, The Edge, Adam Clayton et Larry Mullen Jr. ne s'en souciera pas un peu.
Ce record n'atteint pas tout à fait ces sommets, mais U2 remporte la moitié du prix. Dans son caractère inclusif et son
énergie exubérante, Rattle and Hum résume l'histoire de l'ascension de U2 de l'obscurité de Dublin à la célébrité internationale
sur une note bruyante et festive. En même temps, il ne ferme aucune des options que le groupe pourrait vouloir poursuivre pour
son prochain grand déménagement – et, peut-être, l'album ouvre même quelques portes.
Malgré l'insistance de Bono dans le tonitruant "God Part II" sur le fait que "Je ne crois pas aux années 60 dans l'âge d'or
de la pop/Vous glorifiez le passé quand le futur se tarit", Rattle and Hum est en grande partie un hymne aux tradition des
artistes des années 60 que U2 vénère. "God Part II" lui-même est l'extension personnelle de Bono de "God", le morceau
dramatique de Plastic Ono Band dans lequel John Lennon a abandonné les années 60, son identité de Beatle et toutes les
idoles qu'il avait vénérées. La mise à jour de Bono comprend une attaque pointue contre Albert Goldman, dont le livre
The Lives of John Lennon dresse un portrait amer et peu flatteur de l'ex-Beatle : "Je ne crois pas en Goldman son type
comme une malédiction/le karma instantané va l'avoir si je ne l'attrape pas en premier.
Rattle and Hum évoque les Beatles dès le départ lorsqu'il s'ouvre sur une version live corrosive de "Helter Skelter",
une chanson qui figurait à l'origine sur l'album blanc. « Cette chanson que Charles Manson a volée aux Beatles ; on le vole
en retour », annonce Bono avec présomption avant que U2 ne se mette à déchirer l'air.
Bob Dylan chante sur un morceau (la ballade sinueuse "Love Rescue Me", que Dylan a également co-écrit) et joue de l'orgue
sur un autre ("Hawkmoon 269"). Il est en outre reconnu lorsque U2 lance une interprétation en direct de "All Along the
Watchtower". Jimi Hendrix, le troisième membre de la trinité des années 60 de U2, est ressuscité lorsque la version de
"The Star-Spangled Banner" qu'il a interprétée à Woodstock présente la prise en direct brûlante de U2 sur "Bullet the Blue Sky".
U2 tient certainement le coup tout en flirtant avec les grands, mais Rattle and Hum est plus agréable lorsque le groupe
se détend et s'autorise à s'étirer sans atteindre consciemment les étoiles. La chorale New Voices of Freedom rejoint
le groupe sur scène à New York pour une interprétation électrisante de style gospel de "I Still Haven't Found What I'm
Looking For" qui trouve de nouvelles profondeurs dans une chanson qui était captivante la première fois.
Le guitariste BB King fait équipe avec U2 au Sun Studio, à Memphis, et ensemble, ils déchirent "When Love Comes to Town",
un rockeur de blues entraînant sur le pouvoir rédempteur de l'amour. Pendant son séjour à Memphis, U2 a également fait
venir les Memphis Horns pour aider avec un hommage émouvant à Billie Holiday intitulé "Angel of Harlem".
U2 fléchit son muscle rock & roll sur le single "Desire" inspiré de Bo Diddley, le féroce "Hawkmoon 269" et une
interprétation live bruyante de l'anti-apartheid "Silver and Gold", qui est apparu pour la première fois dans une version
studio sur le Sun Album de protestation de la ville organisé par Little Steven Van Zandt. Une performance live difficile
de "Pride (In the Name of Love)", l'hymne de U2 en l'honneur de Martin Luther King Jr., capture la puissance du groupe
sur scène à son apogée inspirante.
Mais les chansons plus calmes de Rattle and Hum offrent au disque des moments d'introspection rendus d'autant plus
efficaces par le contexte généralement endiablé de l'album. The Edge tourne dans une belle voix principale et s'accompagne
à la guitare électrique et aux claviers sur l'hymne « Van Diemen's Land », sur un poète nationaliste irlandais qui a été exilé
en Australie. "Heartland", sur lequel Brian Eno joue des claviers, évoque un paysage de rêve qui rappelle les chansons dérivantes
et poétiques de The Unforgettable Fire. Et Rattle and Hum se termine avec la ballade "All I Want Is You", une déclaration
émouvante de désir insatisfait qui comprend un arrangement de cordes éloquent de Van Dyke Parks
Comme son titre l'indique, Rattle and Hum se veut dynamique plutôt que strictement cohérent. Il est destiné à
dramatiser U2 en mouvement et en transition et à exulter du barrage d'influences que le groupe venait de commencer à
admettre sur The Joshua Tree. Enregistré presque entièrement aux États-Unis, l'album perpétue également la quasi-obsession de
U2 pour le nouveau monde courageux de l'Amérique.
Mais malgré toute son excitation, Rattle and Hum semble un peu calculé dans sa supposée spontanéité. L'album est
avant tout une bande son. Plutôt qu'un documentaire, c'est simplement un document d'événements qui ont souvent été mis en
scène et arrangés dans le but exprès d'être filmés et enregistrés. L'album démontre habilement la force de U2 mais accorde
trop peu d'attention à la vision du groupe.
Cette vision, bien sûr, a évolué de manière impressionnante au fil des ans - en commençant par l'émerveillement
sombre et adolescent de Boy et en passant par l'enceinte mystique d' October , la fureur et l'émotion de War ,
l'imagerie surréaliste de The Unforgettable Fire et l'étendue résonnante de The Arbre de Josué. Rattle and Hum est le
son de quatre hommes qui n'ont toujours pas trouvé ce qu'ils cherchaient — et dont l'agitation assure qu'ils chercheront
encore plus loin.
COVER-STORY
De couleur noire, la photo de la couverture du disque (et de l'affiche du film), montre Bono dirigeant la lumière blanche de son projecteur sur The Edge, en train de jouer de la guitare pendant un live de Bullet the Blue Sky43. « U2 fait son cinéma » comme le résume bien Rock & Folk en couverture de son magazine le 1er décembre 1988. La photographie avant de la pochette de l'album a été réalisée par le néerlandais Anton Corbijn tandis que celle arrière est l’œuvre de Colm Henry, Bill Rubenstein et Thomas Busler.
